Présentation
La « ville globale » est en grande partie une ville européenne. « Les villes de l’Europe sont nées avec l’Europe et, dans un certain sens, en ont accouché » d’après L. Benevolo, et c’est le modèle de ville européenne qui s’est imposé au monde par la colonisation avec des caractéristiques communes qui autorisent une « forme de l’urbain partagée en Europe » (H. Galinié).
Face aux revendications identitaires nationales, la recherche sur la configuration historique identitaire européenne peut aider à l’intégration européenne : en plus de l’Europe des régions il y a une place pour l’Europe des villes. En fin de compte, ce n’est pas la première configuration supranationale qu’a connu l’Europe. L’Empire romain était déjà un réseau de cités autonomes mais pas indépendantes, sans intermédiaires entre l’Urbs, Rome, et toutes les autres cités.
Dans sa configuration actuelle, la ville européenne naît au Moyen Âge, mais prend racine dans la première expansion globale qu’a connue l’Europe : la romanisation. Le modèle de la polis et la ciuitas est le premier modèle urbain qui touche le territoire de l’ancienne Europe consolidé par l’intégration de populations hétérogènes dans une citoyenneté commune, celle du droit romain de cité et le catalyseur d’une identité partagée. La fin de la civilisation romaine, fait évoluer vers d’autres systèmes et cultures urbaines : la ville chrétienne ; l’Islam d’al-Andalus et de la Sicile ; Constantinople puis l’Empire ottoman. Mais la genèse de la ville européenne se situe entre les XIe et XIIIe siècles, la ville connaît son élan définitif. Les villes sont des fabriques de citoyens, de marchands et de la « société de la connaissance ». En effet, les universités naissent avec et dans les villes, comme espace de liberté et lieu privilégié du travail intellectuel « qui se doit d’être exercé en ville », d’après C. Hottin.
Ce cadre urbain, est à l’origine d’une « bonne partie du patrimoine culturel mondial » [Résolution 98 (2000) sur les villes historiques en Europe]. La protection et la mise en valeur de ce patrimoine urbain est aujourd’hui un moteur pour renforcer l’identité locale, tout en étant le catalyseur d’une identité européenne et d’une cohésion sociale multiculturelle. De plus, la nouvelle économie « du savoir » peut générer une économie durable dans les villes historiques (R98, § 27) avec la gestion des ressources historiques et patrimoniales, dans un cadre d’exploitation touristique. Aujourd’hui, il existe toute une série de métiers de la recherche de la connaissance de ce patrimoine commun, de sa protection et de sa mise en valeur, qui sont à l’origine d’une bonne partie des emplois qui accueillent les étudiants européens des sciences historiques et archéologiques : historiens, historiens de l’art, archéologues, architectes, urbanistes ; de la protection : archives, musées, archéologie préventive ; et de la mise en valeur : médiation, guidage, développement local, aménagement urbain.
Depuis l’époque de la production des grandes écoles de pensée et des études historiques sur la ville, la progressive spécialisation des disciplines à partir des années 70 a fait diverger les conceptions des spécialistes qui traitent la ville contemporaine et la ville historique. La seule exception, française d’ailleurs, était le Centre Nationale d’Archéologie Urbaine (CNAU) de Tours qui a définitivement disparu depuis 2016. Il n’y a plus d’interaction entre les disciplines traditionnelles qui s’occupent de la ville : Archéologie, Histoire, Géographie, Urbanisme, Aménagement, Architecture, Sociologie… Mais la forme urbaine actuelle n’est pas seulement l’émergence d’éléments en interaction et complexité structurelle à un moment donné, elle est également porteuse de sens pour ses usagers, sens culturellement, socialement et historiquement connoté, participant à la complexité de la ville en tant que système social. L’Histoire urbaine et l’approche culturelle peuvent ainsi devenir une nouvelle perspective pour la complexité structurelle de la ville.
Il est temps de rompre avec cette tendance historiographique globale, d’une part, et académique, et locale, de l’autre. Les résultats de 30 ans de fouilles archéologiques urbaines dans le cadre de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (La Valette, 1992) montrent un cumul de données extraordinaire sur la genèse et la fabrique urbaine. L’étude de la ville historique et le patrimoine urbain configurent des archives du sol et des solutions pratiques pluriséculaires de ce qui a fait ses preuves dans la configuration de la ville moderne.
Mise en valeur des enseignements
Le projet de Chaire Jean Monnet Civitates et Urbes Europæ : (CivEUr) veut mettre en valeur les enseignements déjà en place dans les différentes composantes de l’Université Paris Nanterre (UPN), afin d’approfondir les études autour de l’histoire de la ville européenne. Le passé : genèse, formation et environnement urbains ; le présent : cadre légal et normatif européen, ainsi que pratiques scientifiques de protection patrimoniale comme l’archéologie urbaine ; et le futur : le projet urbain, la mise en valeur, l’aménagement et régénération urbaines, le développement local, et les métiers qui en dérivent.
Un forum
CivEUr veut être un forum de discussion qui fédère et intègre les collègues travaillant sur la ville au sein de l’UPN et ouvre ce forum à d’autres collègues des universités européennes par le biais des séminaires de recherche et des colloques internationaux qui en dérivent
L’ouverture doit se faire aussi vers les métiers et les acteurs sociaux du projet urbain à travers la collaboration sous forme de formation continue et de débat ouvert. L’impact s’effectuera à tous les niveaux géographiques (local, régional et international) mais aussi à tous les niveaux sociologiques des citoyens européens (chercheurs, professionnels, décideurs, acteurs et usagers de la ville…). De ce point de vue, CivEUr apparaîtra comme un référent national et européen de la recherche sur la ville avec, comme but ultime, la configuration d’un réseau européen et d’un projet qui tentera de répondre au rôle joué par le patrimoine culturel dans « la création et le renforcement de la valeur sociale, avec la capacité d’inspirer et de promouvoir la participation des citoyens à la vie publique, d’améliorer le bien-être des individus et des communautés » mis en évidence par le World Cities Report 2020 – The value of Sustainable Urbanization, du United Nations Human Settlements Programme : www.unhabitat.org
La Chaire répond à deux objectifs généraux des activités Jean Monnet « enseignement et recherche », à savoir l’amélioration de la qualité de la formation des enseignants sur les sujets relatifs à l’Europe et la promotion de l’excellence dans l’enseignement et la recherche en ce qui concerne les études européennes.