Thermalisme et villes dans l’Occident romain

Salle de conférences du bâtiment Max Weber Msh Mondes – Université Paris nanterre

Les 17 et 18 juin 2024

L’importance de l’eau dans la ville romaine, à la fois pour ses implications d’ordre sanitaire, économique, esthétique et religieux, a été reconnue depuis longtemps et a fait l’objet de nombreuses études. Il a fallu en revanche attendre ces dernières décennies pour que la question des eaux thermales soit prise en compte de manière spécifique et autonome. C’est par exemple le cas du projet PRIN Il termalismo nell’Italia romana (2008), porté par les Universités de Padoue, Vérone et Gènes, ainsi que par le CNR italien, et qui a donné lieu à la publication des deux volumes Aquae Patavinae (2011 et 2012), ou de la Table ronde de l’EFR, qui a eu lieu à Rome en 2004 et a abouti à la publication de Bains curatifs et bains hygiéniques en Italie de l’Antiquité au Moyen Age, en 2007. Plus récemment, la question du thermalisme antique a été au cœur de plusieurs réflexions, souvent dans une perspective diachronique. 

L’intérêt de ces travaux réside, entre autres, dans leur approche méthodologique, qui couple systématiquement sources littéraires, épigraphiques et archéologiques. Il a ainsi été observé que, dans le monde romain, une distinction était bien présente entre eaux douces et eaux thermales, dotées de caractères physico-chimiques particuliers qui les rendaient aptes à un usage thérapeutique. La pratique des bains chauds et le thermalisme (fontes calidi, fontes medicati…) à proprement parler étaient donc des réalités différentes, avec les conséquences que cela pouvait comporter sur le plan matériel, socio-économique, cultuel. 

A la lumière de ces considérations, la journée d’études se propose d’orienter la réflexion sur trois aspects du thermalisme, dans le contexte des villes de l’Occident romain :

  1. Les aménagements liés aux pratiques curatives. Bien que les thermes de cure présentent souvent le parcours classique des bains, les auteurs anciens font état d’usages particuliers des eaux thermales, qui pouvaient justifier la présence d’aménagements spécifiques. Il s’agit par exemple des systèmes de captation et de stockage des eaux, des dispositifs de refroidissement et de gestion de la température, de la multiplication de piscines offrant des températures variées…
  2. La genèse urbaine à partir des eaux thermales et l’insertion des bâtiments thermaux dans l’espace urbain. Dans son livre XXXI, 2, Pline l’Ancien affirme que les eaux thermales « fondent les villes » urbesque condunt et nombreux sont en effet les cas de sources de ce type qui ont joué un rôle de pôle d’attraction et genèse l’habitat groupé. La naissance d’établissements de cure, susceptibles d’attirer de nombreux usagers, favorise ainsi le développement de structures d’accueil et de service et est au cœur de véritables enjeux économiques. Les nombreux toponymes construits autour des mots aquae et calidae confirment indirectement l’importance de cette ressource, qui finit par être perçue comme emblématique du centre. C’est ainsi que, dans la Tabula Peutingeriana, les sites thermaux sont d’ordinaire associés à des vignettes spécifiques, qui évoquent la présence de thermes. 
    Sur le plan topographique, les bâtiments thermaux sont souvent localisés au cœur de l’habitat, qui semble se développer tout autour. Dans d’autres cas, ils occupent des positions décentralisées, sans pour autant que ceci mette en discussion le rôle important joué par ces établissements dans la vie du centre. 
  3. La connexion avec les lieux de culte. La reconnaissance du caractère thérapeutique des eaux thermales était faite par voie empirique et était souvent expliquée par la médiation du sacrée. Ceci leur conférait une aura particulière – bien qu’elle ne soit pas une exclusivité des sources thermales – et justifiait leur connotation cultuelle, qui se concrétisait par la présence de lieux de culte. Ces espaces cultuels, qui pouvaient assumer des formes plus ou moins structurées, étaient souvent localisés à proximité de la source. Dans d’autres cas, une connexion pouvait aussi être établie à plus grande distance, par exemple à travers la réalisation d’axes privilégiés, qui devaient créer des parcours symboliques à l’intérieur de la ville.

Ces différents aspects pourront être développés à travers la présentation d’études de cas en Gaule et, plus largement, dans le monde romain occidental.

1 Ghedini F., Bassani M., Bressan M. (dir.), Aquae patavinae. Il termalismo antico nel comprensorio euganeo e in Italia, Atti del I Convegno Nazionale (Padova 21-22 giugno 2010), Padova 2011 ; Ghedini F., Bassani M., Bressan M. (dir.), Aquae patavinae. Montegrotto e il termalismo in Italia. Aggiornamenti e nuove prospettive di valorizzazione, Atti del II Convegno Nazionale (Padova 2012), Padova 2013
2 Guérin-Beauvois M., Martin J.-M. (dir.), Bains curatifs et bains hygiéniques en Italie de l’Antiquité au Moyen Age, Rome 2007.
3 Aquae sacrae. Water and Sacredness in ancient Times. Water Shapes, Meaning, uses and the architectural works of the most precious gift, Institut de Recerca Històrica de la Universitat de Girona, Girona 2011 ; Aquae salutiferae. Il termalismo tra antico e contemporaneo, Atti del Convegno Nazionale (Montegrotto Terme 6-8 settembre 2012), Padova 2013 ; Annibaletto M., Bassani M., Ghedini F. (dir.), Cura, preghiera e benessere. Le stazikoni curative termominerali nell’Italia romana, Padova 2014 ; Schied J., Nicoud N., Boisseuil D., Coste J. (dir.), Le thermalisme. Approches historiques et archéologiques d’un phénomène cultuel et médical, Paris 2015.

Coordinateurs

  • Ricardo González-Villaescusa
  • Carlotta Franceschelli

Partenaires

  • Université Clermont Auvergne
  • Université Paris Nanterre
  • Chaire Jean Monnet CivEur
  • UMR 7041 Archéologie et sciences de l’antiquité
  • Centre d’histoire “Espaces et cultures”

Programme et informations pratiques

17 juin 2024

13h00 – 13h30 : Accueil

13h30 – 14h00 : Mots d’accueil par C. Franceschelli, Université Clermont – Auvergne et Ricardo González Villaescusa, Université Paris Nanterre

Présidence de séance : Pier-Luigi Dall’Aglio

14h00 – 14h45 : Per un ‘diritto termale’ in Roma antica:  soggetti, strutture, discipline fra passatempo e salute.

Roberto Scevola, Università di Padova

14h45 – 15h30 : Thermalisme et urbanisation: réflexions sur l’Italie romaine.

Francesca Ghedini, Paola Zanovello, Università di Padova

15h30 – 16h00 : Pause – café

16h00 – 16h45 : Termini Imerese. I bagni termo-minerali romani dal mito di Eracle all’eta’ moderna.

Oscar Belvedere, Università degli studi di Palermo,

16h45 – 17h30 : Autour de la source sacrée : utilisation de l’espace, topographie et gestion de l’eau thermale à Bagno Grande à San Casciano dei Bagni.

Emanuele Mariotti, Università per Stranieri di Siena

17h30 – 18h15 : Aquae calidae et constructions thermales en Tunisie durant l’Antiquité.

Ameur Younes, Université de Tunis, 

20h00 : Dîner dans un restaurant parisien (à déterminer)

18 juin 2024

Présidence de séance : Philippe Leveau

9h00 – 9h45 : Des « dévotions thermales » ? La composante cultuelle des thermes urbains.

Alexandre Gouverneur, Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne

9h45 – 10h30 : Aquae Flauiae : une station thermale à la périphérie de l’Empire.

Sérgio Fiadeiro Carneiro, Comissão de Coordenação e Desenvolvimento Regional de Lisboa e Vale do Tejo

10h30 – 11h00 : Pause – café 

11h00 – 11h45 : Espacio Urbano y Complejos Termales en el Convento Jurídico de Clunia Sulpicia.

Miguel Ángel de la Iglesia Santamaría, Universidad de Valladolid

11h45 – 12h30 : Saluti Sacrum. Les Aquae Calidae au nord-est de l’Hispanie citérieure et la capitale de la Tarraconensis.

Joaquín Ruiz de Arbulo, Universitat Rovira i Virgili de Tarragona

12h30 – 14h00 : Déjeuner

Présidence de séance : Joaquín Ruiz de Arbulo

14h00 – 14h45 : L’architecture des établissements de soins thermaux en Gaule. Étude comparative du thermalisme antique en France

Silvia González Soutelo, Universidad Autónoma de Madrid (UAM) et Madrid Institute for Advanced Studies (MIAS)

14h45 – 15h30 : Villes thermales et aristocraties urbaines : quelques exemples gaulois.

Philippe Leveau, Aix Marseille université

15h30 – 16h15 : Aquae Sextiae Salluviorum, la ville des eaux de Sextius et des Salyens.

Núria Nin, Direction Archéologie et Muséum de la Ville d’Aix-en-Provence

16h15 – 16h30 : Pause – café 

16h30 – 17h15 : Etat de la recherche sur le site antique balnéaire de Bagnères-de-Bigorre dans les Hautes-Pyrénées.

Laurent Costa, CNRS et Richard Sabatier, Observatoire pour l’Archéologie et le Patrimoine en Haute-Bigorre

17h15 – 18h00 : Les thermes de Chassenon/Cassinomagus (Charente) : un coup d’éclat des élites lémovices sous le Haut-Empire.

Laure Laüt, Sandra Sicard

17h30 – 18h15 : Captages antiques d’eaux thermo-minérales : aménagements et usages dans le territoire des Arvernes. Études des cas de Vichy et du Mont-Dore.

Lise Augustin-Rolland, Élise Nectoux, Simon Baraton, Jonathan Boiné, Bertrand Dousteyssier,
Rodrigue Guillon, Benjamin Michaudel, Fabrice Muller, Daniel Parent, Gabriel Rocque, Marie-Laure Thierry

Les débats se déroulent au bâtiment Max Weber à l’université de Paris Nanterre (comment venir à l’université de Paris Nanterre ?)

image d’en-tête : thermes de Chassenon en Charente ; photo Par Rickytambour — Travail personnel, CC BY-SA 4.0

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